Eurenco, le fabricant de poudres et explosifs basé à Sorgues connaît une forte croissance de son activité et de ses investissements sur fond de réarmement de l’Europe.

L’invasion de l’Ukraine génère d’importantes retombées sur le Vaucluse. Le groupe Eurenco, un des leaders européens des poudres et explosifs, dont le siège se situe à Sorgues, réalise 500 M€ d’investissements sur l’ensemble de ses sites en Europe. L’Union européenne a débloqué une enveloppe globale de 500 M€ d’aide à l’investissement immédiat pour mettre l’industrie de défense au niveau des enjeux stratégiques. Eurenco bénéficie de 76 M€ des fonds de Bruxelles immédiatement investis essentiellement sur son usine de Bergerac. L’unité de Dordogne absorbe 47 M€ de cette aide. Dans des bâtiments industriels conçus par le cabinet d’architecture Arc & Types de Villeneuve-lès-Avignon, les machines de la ligne de production testée dans l’usine Eurenco de Karlskoga en Suède arrivent cet été pour entrer en phase industrielle début 2025. L’unité scandinave et le site de Clermont en Belgique bénéficient de l’ensemble des investissements. L’usine d’Outre-Quiévrain double sa production. Les investissements permettent un grand bond technologique tant dans l’automatisation que l’optimisation des stocks stratégiques de matière premières.

Investissements à Sorgues

Le site de Sorgues souffrait d’un sous- investissement. « Nous réalisons un important plan de modernisation industrielle de 2024 à 2026 de 70 M€ », explique Thierry Francou, directeur du groupe, également trésorier de la CCI de Vaucluse et président de la commission industrie. L’usine compte un peu moins de 500 collaborateurs (+ 40% depuis 2019) et bénéficie d’un important plan de recrutement et de formation. La mise en service récente d’une unité de traitement des effluents de 17 M€ l’autorise à doubler ses capacités de production sur 3 ans. Entre Rhône et ex-RN7, le périmètre reste contraint. Pour déplacer son siège social, Eurenco a racheté de l’autre côté du RD 907, il y a trois ans, à Saint-Gobain, les bureaux d’un ancien centre de recherche déménagé de très longue date sur le Grenouillet à Cavaillon. Eurenco a déjà terminé une première phase de rénovation de l’immeuble de 2 000 m2 et s’apprête à lancer une extension de 1 000 m2 de bureaux.

« Nous réalisons un important plan

de modernisation industrielle de 2024 à 2026 de 70 M€ « 

Savoir-faire

Sur le plan de la formation, la CCI a accueilli une première session sur son campus d’une semaine de sensibilisation aux métiers de la pyrotechnie en novembre dernier. Eurenco compte développer d’autres formations sur le Vaucluse sur le modèle de celles réalisées déjà sur Bourges, haut lieu de l’industrie militaire française. L’entreprise sorguaise met actuellement sur pied un cursus ouvert aux bacs +3 pour atteindre bac + 5 avec une grande part ouverte à l’alternance (5% de ses effectifs).

Croissance du personnel

Les effectifs de l’ensemble du groupe en Europe sont passés de 900 à 1 400 collaborateurs depuis 2019. Les usines passent d’un fonctionnement de 5 jours sur 7 à 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. L’ensemble de la production européenne du groupe est multiplié par 2,5. Par 2 pour les explosifs, par 2 pour ceux des petits calibres (fusils-mitrailleurs, mortiers…), par 2,5 pour les charges modulaires de propulsion des projectiles, mais surtout par 10 pour les pièces d’artillerie essentiellement sur l’usine de Bergerac dès 2025. Ces charges se destinent au fameux canon CAESAR à l’exceptionnelle portée de 40 km, terreur des bases arrières de l’armée russe.

Durabilité industrielle

Les précommandes, certaines prépayées, des fabricants de munitions européens, pérennisent le plan d’investissement hors subventions. Le carnet de commande passe de 350 M€ en 2023 à 500 M€ en 2024, à 1 Md€ en 2030. Eurenco développe des projets industriels sur le long terme avec de nouveaux contrats tout juste signés avec d’autres munitionnaires pour des livraisons de 2028 à 2036. L’an dernier, le siège sorguais remportait auprès de l’américain Day & Zimmermann un contrat de 966 M$ sur trois ans pour la fabrication, l’assemblage, l’emballage et la livraison de charges modulaires d’artillerie de 155 millimètres. La convention prévoit la construction d’une usine aux Etats-Unis, clone en modèle réduit du site de Bergerac. En roue libre depuis la fin de la guerre froide, Eurenco change de braquet pour une course au long cours.

Emmanuel Brugvin

 

Photo : Inauguration en mai 2023 du nouveau siège social du Groupe EURENCO à Sorgues, en présence de Thierry FRANCOU, Président Directeur-Général d’EURENCO, et Emmanuel CHIVA, délégué général à l’Armement.